RECHERCHE ACTION
« Trajectoires et rapports de genre dans l’enseignement du second degré »
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Ce projet vise à analyser comment se jouent au quotidien les rapports de genre dans l’activité professionnelle des personnels de l’enseignement secondaire, à partir d’une approche théorique en termes de genre. Il propose d’examiner les enjeux spécifiques qui se posent en matière de conditions d’emploi et d’expérience au travail, en se centrant plus spécifiquement sur la difficulté des rapports sociaux qui se nouent au sein des établissements et sur le rapport subjectif au travail.
Les deux chercheuses (Dominique Cau-Bareille du côté CREAPT) et Julie Jarty du côté de l’Université de Lausanne, toutes deux impliquées dans ce projet, ont été contactées par le groupe « Femmes » du SNES / FSU (niveau secondaire de l’Education) pour mener une recherche – Formation – Action au sein de ce syndicat autour d’une problématique de harcèlement au travail (femmes / hommes).
Les premières réunions de travail ont permis de déplacer l’objet d’étude à l’analyse des relations et des tensions s’exprimant dans le champ du travail autour du genre. La combinaison des disciplines et des méthodologies portées par ces deux chercheuses doit permettre d’aller plus loin dans l’analyse de l’expression de la dimension du genre dans l’activité de travail en articulation avec les autres sphères de vie, et l’élaboration de pistes d’action.
Le projet s’est construit autour des préoccupations suivantes :
– Quels aspects cristallisent les tensions entre collègues hommes et femmes au travail évoquées par les syndicalistes dans la demande initiale au travail ?
– Ces tensions se jouent-elles uniquement entre collègues ou également dans les rapports avec la hiérarchie ?
– Quelles sont les spécificités des besoins des femmes en terme de planification du travail, de reconnaissance au travail, … pouvant créer des situations de conflits avec leurs collègues masculins ?

– L’organisation du travail, les modes de gestion des établissements prennent-ils en compte les spécificités de l’activité selon le genre, dans un environnement professionnel où la proportion de femmes dans les établissements est très élevée ? Cette gestion est-elle différente selon que le chef d’établissement est un homme ou une femme ?
Cela amène à réfléchir de manière plus fondamentale à un certain nombre de points d’ombre, qui sont des impensés du travail qu’il est nécessaire de rendre visible pour agir.
Les conditions de travail sont-elles réellement identiques pour les hommes et les femmes enseignants ?
Ressentent-ils/elles des inégalités de sexe dans l’exercice de leur activité ? A quel moment de leurs carrières ?
Les personnels de l’éducation (femmes et hommes) s’épargnent-ils et -elles réellement le stress associé aux arbitrages entre temps de travail rémunéré, temps pour la famille et temps pour soi ? Comment les enjeux de conciliation de la vie professionnelle et familiale sont-ils pris en compte par leur direction ?
En réponse à ces questions, ce projet voudrait offrir une analyse plus riche et plus complexe du quotidien de l’activité, des formes de pénibilité du travail des personnels de l’éducation, hommes et femmes, que celle véhiculée par l’imaginaire collectif. Il s’attache à faire avancer la connaissance scientifique des mécanismes de différenciation des trajectoires professionnelles et des conditions d’emploi des hommes et des femmes au sein de professions très féminisées.
Déroulement du projet et méthodologie :
Ce projet étant lié à une demande syndicale, nous avions deux exigences de départ :
– l’une, de co-construction de cette intervention avec les syndicats et les salariés des
établissements scolaires ;
– l’autre, d’action devant conduire à une meilleure prise en compte de la dimension du genre au sein de l’Education Nationale et sur le terrain.
De cette double exigence, a découlé le choix de la méthodologie déployée qui comprend deux parties bien distinctes qui seront menées conjointement par les deux chercheures :
– l’une, orientée formation – action en articulation avec des acteurs des établissements souhaitant travailler sur cette problématique (enseignants, CPE, directeurs d’établissements …),
– l’autre orientée recherche – action, mobilisant les deux chercheures dans une démarche interdisciplinaire.
La première partie du projet : Formation-action
Elle s’organise en plusieurs phases :
– 1 : Constitution d’un groupe de travail avec des personnels volontaires, qui seront amenés à
travailler sur le long court avec les chercheures. Il est important que ce groupe soit mixte car la problématique des femmes en activité renvoie nécessairement à celle des hommes au travail. A ce titre, la perception et les pratiques des hommes nous importent autant que celles des femmes.
– 2 : Avec ces personnes, seront réalisés des « focus groups », animés par les chercheures (approche mise en œuvre dans le champ de la sociologie et dans certaines recherches en ergonomie) permettant des débats collectifs autour de la problématique décrite ci-dessus. Ce type de travail interviendra à différents moments du projet : au tout début du projet, l’autre vers la fin du projet.
– 3 : De manière à permettre aux membres du groupe d’être eux-mêmes acteurs dans le processus de recueil des données et d’analyse des relations de travail au sein du projet, il sera nécessaire de les former en particulier à la technique des entretiens et au recueil de certaines données (auto-observations…). Dans ce cadre, les chercheures auront pour mission d’assurer cette formation des membres du groupe. Dans cette optique, le groupe élaborera collectivement une trame d’entretien, une grille d’observation, etc…
– 4 : Un carnet de bord co-construit avec les membres du groupe leur permettra ainsi qu’à des collègues volontaires de consigner par écrit, sur une période de 3 semaines, l’ensemble des situations où ils ont perçu des « rapports de genre ». Cela suscitera une vigilance accrue à cette problématique et fera ressortir les événements, les facteurs à l’origine des tensions ou des solidarités entre hommes et femmes au travail, souvent peu visibles habituellement ;
– 5 : Un travail collectif sera également réalisé sur les emplois du temps ; ceux-ci pouvant à la fois recéler des indices utiles pour analyser des problématiques de genre, mais aussi constituer des traces de l’activité des chefs d’établissements intéressantes pour étudier la prise en compte du genre dans la gestion des établissements.
La seconde partie du projet : Recherche-action
Elle sera menée conjointement par les deux chercheures et visera à approfondir l’analyse en ciblant un collège et un lycée. Il s’agira de mener sur ces deux sites (volontaires) une analyse fine des relations de travail entre enseignants et enseignants-direction. Là aussi, nos points d’entrée seront triples :
– 1 : travail sur les emplois du temps et les vœux des enseignants en termes d’affectation de classes ou d’horaires de travail
– 2 : entretiens approfondis aussi bien avec des enseignants que des chefs d’établissements
– 3 : éventuellement, constitution de groupes de travail au sein des deux établissements pour réfléchir à cette problématique.
L’objectif de ces investigations sera de comprendre :
– comment s’organise la planification de l’activité d’enseignements au sein des établissements,
– quels sont les arguments qui participent à la conception des emplois du temps,
– quels sont ceux qui relèvent de la participation aux différentes instances de la vie des établissements,
– les relations qui se tissent entre les enseignants dans la salle des professeurs, après les cours,
– les relations qui se tissent dans l’activité pédagogique, en particulier lors de la mise en place de projets transversaux ou sorties scolaires
– la dimension collective du travail selon le genre (préparations, corrections, saisie des notes, participation aux conseils de classes, …)
Cela permettra d’aborder les arbitrages qui sont réalisés à la fois dans l’activité, dans les négociations avec les collègues.
Cela permettra d’identifier ce qui peut faire tension entre les hommes et les femmes au travail, justifiant le sentiment de harcèlement exprimé par le groupe de femmes du SNES/FSU à l’origine de la demande.
Ces informations seront complétées par des entretiens avec des inspecteurs d’académie et des inspecteurs pédagogiques régionaux ayant une approche plus macroscopique de ces questions, emprunte de leurs représentations et fonction de leur place au sein de l’institution.
Dans quelle mesure intègrent-ils la dimension du genre dans leur analyse, dans l’organisation du travail, dans l’évaluation des enseignants ?
Les chercheures des Etablissements envisagent également de compléter leur analyse par des entretiens avec des DRH et des médecins de prévention pouvant développer au travers de leur activité, des représentations sur la manière dont se jouent les rapports de genre au travail.
Attendus de cette étude et ses retombées
Conformément aux attentes du groupe femmes du SNES, plusieurs types d’attendus sont envisagés :
– une prise de conscience des enjeux de rapports de genre dans ce milieu professionnel très féminisé,
– une modification des représentations des différents acteurs du monde de l’éducation favorisant une meilleure prise en compte de cette dimension sur le terrain,
– la création d’espaces de discussion autour de cette question au sein des établissements visant à favoriser un « mieux vivre ensemble au travail » en socialisant les difficultés gérées jusque-là individuellement,
– l’élaboration de propositions de formations / sensibilisation de la hiérarchie comme des syndicats à cette dimension genrée de l’activité permettant de susciter une vigilance accrue sur ces questions,
– l’élaboration de pistes de transformation visant une meilleure prise en compte de cette dimension dans les établissements.
En d’autres termes, « Comprendre pour agir et transformer ».
Construction sociale de l’intervention
Un groupe de pilotage devrait permettre d’accompagner ce projet de recherche sur deux ans. Il sera constitué :
– de membres du groupe femmes du SNES/FSU à l’origine de la demande,
– de la responsable du groupe SNES en charge des projets de recherche,
– d’un conseiller scientifique compétent en matière de travail et genre : Catherine Teiger participant dès le départ des négociations à l’élaboration du projet ; d’un représentant des Etablissements qui sont les centres de recherche supports des deux chercheurs engagées dans le projet ;
Présentation des deux chercheures engagées dans le projet
L’originalité de ce projet est qu’il est porté par deux chercheuses de disciplines différentes : l’ergonomie pour l’une, la sociologie pour l’autre. Elles ont toutes deux déjà travaillé sur la dimension du genre dans l’enseignement, mais de manière séparée.
La mobilisation de ces deux chercheuses éloignées géographiquement (Lyon et Toulouse) relève donc d’un choix initial des responsables du groupe « Femmes », justifié par la connaissance de leurs travaux respectifs et l’envie de bénéficier de leurs approches complémentaires.
Dominique Cau-Bareille est Maître de Conférences en Ergonomie à l’Université Lyon2, au sein de l’Institut d’Etudes du Travail de Lyon depuis une quinzaine d’année.
Egalement chercheure au CREAPT (Centre de Recherche et d’Etude sur les Ages et la population au Travail) basé à Noisy le Grand, groupement d’intérêt scientifique adossé au CEE (Centre d’Etude de l’Emploi).
Julie Jarty est docteure en sociologie, Maître Assistante Suppléante en Etudes-Genre à l’Université de Lausanne (Suisse), chercheure associée au pôle SAGESSE (Savoirs, genre et rapports sociaux de sexe) du CERTOP- CNRS (Centre d’Etude et de Recherche Travail, Organisation, Pouvoir). Elle a soutenu sa thèse de doctorat en décembre 2010 réalisée dans le cadre d’une co-tutelle internationale entre l’Université de Toulouse Le Mirail et l’Université Autonome de Barcelone. Elle a par ailleurs travaillé deux années sur un projet de recherches européen (QUING, www.quing.fr) portant sur l’évaluation des politiques d’égalité entre les hommes et les femmes dont elle a coordonné la partie française.
Extraits de la convention de recherche.
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