Parmi les pistes de travail du gouvernement dans sa réforme de la procédure pénale figure l’extension de la forfaitisation des petits délits à l’usage de certains stupéfiants. Les usagers du cannabis seraient en effet toujours considérés comme délinquants, mais condamnés à des amendes forfaitaires, proches des actuelles
contraventions. Il s’agirait, concrètement, de déjudiciariser les procédures intentées contre eux, sans pour autant en dépénaliser l’usage.
Dépénaliser ?
Si cette mesure, essentiellement motivée par la volonté de désengorger des
tribunaux sous-dotés en moyens et effectifs, peut donner l’impression de pouvoir faciliter la vie des quelques 4,5 millions d’usagers (dont 1,4 million de réguliers)
de cette drogue en France, elle ne doit pas conduire à escamoter un débat nécessaire sur le statut légal de ce produit.
En présentant l’usager comme un délinquant, voire un fauteur de troubles, au moins potentiel, la pénalisation éloigne les politiques publiques d’une nécessaire prévention centrée sur la lutte contre l’addiction et les effets sanitaires désastreux de cette drogue, notamment auprès des jeunes.
C’est une des raisons pour lesquelles la Commission nationale des droits de l’homme s’était prononcée, il y a un an, pour la suppression de toute poursuite à l’égard des simples usagers.
Pour autant, une dépénalisation « sèche », qui ne serait pas très éloignée de l’abandon pur et simple des poursuites qui est déjà souvent pratiqué sur le terrain, pourrait avoir des conséquences tout aussi dramatiques, y compris chez nos
élèves (il faut rappeler qu’un élève de Troisième sur quatre et un élève de Terminale sur deux a déjà expérimenté le cannabis). Des conséquences à la fois
sanitaires, mais aussi sociales si elles conduisent à renforcer les réseaux de trafiquants.
Un enjeu de société
La question en débat est celle du discours en direction de la jeunesse : l’approche strictement répressive dans un contexte de banalisation sociale de l’usage du cannabis a pour effet de légitimer chez certains adolescents un discours
inverse qui en minimise les conséquences en se fondant sur l’hypocrisie, réelle ou supposée, des adultes.
Des options diverses, incluant la légalisation réglementée, sont sur la table depuis de nombreuses années. Il est temps que le débat se mène et débouche sur des décisions éclairées plutôt qu’à des mesures prises en catimini et visant uniquement à cacher le problème.
Hervé Le Fiblec
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