Le texte du projet de loi « confortant le respect des principes de la République », dite « loi contre le séparatisme », a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 16 février et est actuellement examiné par le Sénat.

Dans la série de mesures prévues par ce texte fourre-tout, les dispositions relatives aux associations (chapitre II de la loi) suscitent l’inquiétude, voire la réprobation, des principaux concernés. Le Haut conseil à la vie associative a ainsi rendu, le 2 décembre 2020, un avis pour le moins réservé sur les articles du projet de loi dont il avait été saisi. Le 18 janvier, dans une tribune initiée par Mouvement associatif1, plusieurs responsables d’associations et fédérations ont estimé que ce projet mettait « en question » la liberté associative.

La signature préalable par les associations qui souhaitent solliciter des subventions publiques d’un «contrat d’engagement républicain », prévue dans l’article 6, formalise et symbolise une défiance a priori sur l’activité associative à l’opposé de l’esprit de la loi de 1901 qui avait fait le choix d’un contrôle a posteriori du caractère licite des activités associatives au lieu d’un régime d’autorisation préalable.

En l’état du texte, il n’y a aucune raison d’être rassuré. Seuls les principes du contrat sont énumérés. Certains relèvent de l’évidence (liberté, égalité, fraternité, respect de la personne humaine…), mais d’autres peuvent donner lieu à des interprétations discutables. Il est ainsi question du respect des « symboles fondamentaux de la République », qui n’ont pour l’instant pas de définition juridique2. De même pour le respect de « l’ordre public », qu’on ne peut cerner que de façon jurisprudentielle, sans qu’il n’ait jamais été clarifié, et qui a justifié des violences policières nombreuses ces dernières années. C’est encore plus net pour les « exigences minimales de la vie en société ».

Mais surtout, et c’est là que la forme prime sur le fond, le texte donne à l’exécutif et aux autorités administratives un rôle de contrôle du caractère licite des activités d’une association, qui jusque là était essentiellement dévolue au juge. Le contenu exact du contrat d’engagement est en effet renvoyé à un décret, et donc relève du seul exécutif. De même, les autorités et organismes qui attribuent une subvention pourront juger du respect du « contrat d’engagement » pour la retirer et en exiger le remboursement.

Le premier rapport annuel de l’Observatoire des Libertés Associatives3 a documenté l’usage répressif du subventionnement, et préconisé la mise en place de commissions mixtes d’attribution des subventions au niveau des collectivités territoriales. Le « contrat d’engagement républicain » est aux antipodes de cette approche.

Avec cet article 6, le risque d’un jugement politique, voire politicien, sur l’activité des associations n’est que renforcé : la participation à des mobilisations civiques, à des actions de type manifestation, estimée par l’autorité attribuant la subvention comme ayant troublé l’ordre public peut ainsi justifier légalement d’une « coupe-sanction » de subvention.

La même logique répressive se retrouve dans l’article 8 du projet de loi, qui élargit considérablement la possibilité de dissolution d’une association par le conseil des ministres.

Ainsi, le motif de « provocation » à des manifestations armées dans la rue serait élargi à la « contribution » par les « agissements », ce qui relève là encore d’une appréciation assez subjective.

De plus, il ne serait plus nécessaire de démontrer que les actes répréhensibles justifiant cette dissolution ont été commis en application de décisions collectives ou par des responsables de l’association : le fait que de simples membres en soient les auteurs peut suffire, à la condition que les responsables n’aient pas pris « les mesures nécessaires » pour les en empêcher.

On retrouve, dans ces formulations, l’esprit de la « loi anti-casseurs » d’avril 2019, que le Snes avait déjà condamnée.

Le monde associatif n’est pas actuellement épargné par les difficultés que connaissent tous les organismes militants. La nécessité de soutenir ce secteur essentiel de la vie publique démocratique, créateur de lien social, est évidente. Les dispositions de la loi sur le séparatisme visant les associations, loin d’y contribuer, ne feront qu’accroître la crise.

1Créé en 1992 sous le nom de Conférence permanente des coordinations associatives, le Mouvement associatif annonce représenter la moitié des associations existantes au travers de ses membres (parmi lesquels La Ligue de l’Enseignement, France nature environnement, l’UNAF…)

2La Constitution (art.2) parle du drapeau tricolore comme d’un « emblème » et de la Marseillaise comme d’un « hymne »

3« Une citoyenneté réprimée », Premier rapport de l’observatoire des libertés associatives, 2020

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