La question féminine et féministe en cours de français au lycée 

« Tout ce qui a été écrit par les hommes sur les femmes
doit être suspect, car ils sont juge et partie. »1

Depuis plusieurs années, les programmes d’Histoire ont réalisé quelques progrès pour aborder et questionner la place et le rôle des femmes à travers le temps. Mais, certains s’accordent à considérer qu’il est encore bien insuffisant de glisser par-ci par-là, à la fin de certains chapitres des « dossiers » sur les femmes2 : la place des femmes continue ainsi à demeurer littéralement marginale (cf. entretien ?).
Quant à lui, le cours de français, qui apparaît pourtant comme une discipline offrant l’opportunité de réfléchir avec les élèves à ces questions, ne semble jamais avoir accompli sa révolution féministe. Qu’en est-il dans les nouveaux programmes des lycées généraux et technologiques ? Le changement a-t-il été l’occasion d’une réflexion sur ce que la littérature, et plus largement la pratique de la langue et les autres arts, nous disent des relations entre les hommes et les femmes, de la domination masculine ou, pour employer une formule plus consensuelle, des « assignations de genre » ? Comment les manuels se sont-ils emparé de ces questions ? Quelle place leur accordent-ils ? Quelles possibilités les programmes offrent-ils de s’y confronter ?
Les programmes de français sont constitués d’« objets d’étude » qui permettent d’aborder les grands genres littéraires en les associant parfois à des questionnements fondamentaux (par exemple, « Genres et formes de l’argumentation : XVIIème et XVIIIème », en seconde ; « Ecriture poétique et quête du sens, du Moyen-Age à nos jours », « La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation du XVIème à nos jours », en première). Si l’on peut déplorer le choix malheureux de l’intitulé « La question de l’Homme »3, ces programmes n’ont rien de choquant a priori. Mais on se heurte rapidement à une première difficulté avec la faible représentation des femmes dans la production littéraire française et leur absence à certaines époques et dans certains genres : ainsi seuls Corneille, Racine et Molière peuvent trouver leur place dans le cours sur « La tragédie et la comédie au XVIIème ». Comment traiter le surréalisme en seconde4 sans révéler un univers littéraire presque exclusivement masculin ? Il ne s’agit pas bien sûr d’inventer des auteures là où il n’y en a pas… Mais ne faudrait-il pas assortir ces programmes d’une réflexion obligatoire sur les conditions de production de la littérature qui expliquent l’absence des femmes ? Certains manuels ont fait l’effort – non pas de cette réflexion à laquelle les programmes n’invitent nullement – de glisser des textes écrits par des femmes : Madeleine de Scudéry, Madame de Sévigné, Emilie du Châtelet, Simone de Beauvoir. Mais c’est bien peu ! Et même dans les chapitres sur l’argumentation, en seconde et en première, on ne trouve parfois aucune auteure ! Il faut un singulier manque de réflexion et de culture pour ne pas proposer, en 2011, au moins un texte d’une philosophe ou d’une chercheuse5, depuis les années 50 ! Il nous paraît essentiel de donner des modèles aux élèves, si l’on veut les convaincre que chacun d’eux est capable de penser et d’argumenter.
En outre, les programmes de français pourraient être une réflexion sur les représentations des femmes : doivent-elles être cantonnées au rôle de muses ? Sont-elles condamnées à n’être que mystérieuses, fatales ou mères pures et aimantes ? Là encore, les nouveaux programmes auraient pu inviter à observer et à interroger ces représentations, ces clichés (au sens propre aussi puisque l’Histoire des Arts fait son entrée dans le cours de français en lycée). Certains manuels proposent ces réflexions6. Doit-on y voir une avancée ? Sans doute, mais on peut regretter qu’elle soit laissée à la convenance des auteurs de manuels, et finalement, des enseignants.
Avec les textes littéraires, nous sommes face à des approches naturalistes, symboliques ou fantasmées, des femmes, et leur lecture doit être accompagnée, guidée : il faut pouvoir dire que certaines représentations enferment ou stigmatisent souterrainement. Le cours de français n’a d’autre choix que de transmettre une culture littéraire et artistique produite presque exclusivement par les hommes pendant des siècles, mais il doit aussi promouvoir les valeurs d’égalité de notre société démocratique, faire réfléchir aux constructions sociales et culturelles du masculin et du féminin, des rôles et des identités sexués. On doit pouvoir ainsi mettre en évidence la beauté d’un poème de Hugo tout en montrant la part culturelle des images mises en œuvre par l’auteur masculin, tout en interrogeant le contexte social et idéologique qui donne naissance à ces représentations. C’est même une tâche passionnante ! Et en ces temps d’interdisciplinarité, cela répondra parfaitement au programme de SVT des premières L et ES « Devenir homme ou femme ». En cours de français, comme dans tous les autres cours, notre objectif est de transmettre des savoirs mais aussi toujours d’aider les élèves à devenir des citoyens responsables, à construire leur identité par-delà les catégories pré-établies et les normes instituées. Alors, emparons-nous de ces nouveaux programmes et dépassons leurs limites !

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