L’effondrement meurtrier de plusieurs
immeubles insalubres à Marseille,
le 5 novembre dernier, nous rappelle
que le mal-logement peut tuer.
Pourtant, ce n’est pas une fatalité,
les pouvoirs publics disposent des
moyens pour faire face à la dangerosité
des logements.
C’est sans doute une des pires conséquences
de la pauvreté que ne pas pouvoir se loger
de façon décente et en toute sécurité.
D’après le rapport de la Fondation Abbé-Pierre
publié en 2018, plus de deux millions de
personnes vivent dans un logement où
il manque au moins un des éléments
nécessaires au confort le plus élémentaire :
eau courante, douche, WC intérieurs, coin
cuisine ou moyen de chauffage. Et une
partie d’entre eux habitent dans un
logement qui met en péril leur santé,
voire leur vie, avec des risques liés au
plomb, à des circuits électriques défectueux
qui peuvent provoquer des incendies,
à la présence d’animaux nuisibles…
ou au délabrement, comme à Marseille.
Un marché du logement qui pénalise
les plus fragiles
Si de telles situations existent et perdurent,
c’est avant tout parce que les
loyers du secteur privé ont augmenté
sans commune mesure depuis les
années 1980, pour le grand bonheur
des propriétaires bailleurs. Les
dépenses de logement pèsent très lourd
dans le budget des plus pauvres, les
10 % des ménages les plus modestes y
consacrent ainsi près de 42 % de leurs
revenus. Dans les zones les plus
tendues, si on n’a pas accès à l’habitat
social et que l’on ne perçoit pas des
revenus élevés, voire très
élevés, impossible de louer
un logement décent. Face
à l’insuffisance de logements
sociaux, de nombreux ménages n’ont
pas d’autres choix que de
se contenter de logements
trop petits ou en mauvais
état. Et il existe une offre
conséquente en la matière, puisque
l’État estime qu’il y a aujourd’hui
450 000 logements indignes en France.
Les propriétaires peu scrupuleux n’ont
pas vraiment intérêt à engager de
coûteux travaux pour améliorer les
choses, puisqu’il se trouve toujours des
locataires suffisamment démunis pour
accepter de vivre dans les pires taudis.
Les marchands de sommeil font leur
beurre en louant aux plus précaires, à
ceux qui ne peuvent fournir de papiers
en règle ou de bulletins de paie, des
logements indignes à des tarifs parfois
plus élevés que les prix du marché…
Des moyens pour agir
La loi du marché s’applique de façon
implacable : l’insuffisance de l’offre
autorise à louer n’importe quoi à des
prix démesurés. Pourtant, les pouvoirs
publics disposent d’un arsenal juri-
dique leur permettant de ne pas laisser
les locataires les plus fragiles à la merci
des bailleurs les plus indélicats. Un
premier outil est la procédure de mise
en péril ou d’insalubrité : lorsqu’un
immeuble menace de s’effondrer, par
exemple, le préfet ou le maire ont la
possibilité d’obliger les propriétaires à
engager les travaux nécessaires ; dans
les situations les plus graves, ceux-ci
sont même susceptibles d’être pour-
suivis en justice et condamnés à de
lourdes amendes, voire des peines de
prison. Deuxième outil, les permis de
louer : dans les zones les plus dégra-
dées, les communes peuvent condi-
tionner toute signature de bail à un
contrôle préalable. Troisième outil, les
mesures d’expropriation pour les loge-
ments considérés comme irrémédia-
blement insalubres. Au-delà de ces
procédures d’urgence, la meilleure
arme face aux marchands de sommeil
reste l’augmentation de l’offre de loge-
ments sociaux et la mise en place d’un
véritable plafonnement des loyers pour
les bailleurs privés. Bref, face à l’urgence
vitale que représente aujourd’hui le
mal-logement dans de nombreux quar-
tiers, il faut agir, vite !
Clarisse Guiraud
Marseille : le drame de l’insalubrité
Le 5 novembre dernier, deux immeubles
marseillais du quartier de Noailles
s’effondraient, faisant huit victimes.
Ce drame aurait sans doute pu être évité
si les pouvoirs publics avaient pris leurs
responsabilités et s’étaient saisis de
l’arsenal législatif à leur disposition pour
mettre fin aux affaires juteuses des
marchands de sommeil. Un rapport publié
en 2015 faisait en effet état de 40 000
logements potentiellement indignes
dans la cité phocéenne et demandait que
soient prises des mesures incitatives et
coercitives afin que les propriétaires
réalisent les travaux nécessaires à
la sécurité des habitants. Dans le
quartier de Noailles, près de la moitié des
logements sont indécents ou dégradés
et plusieurs centaines d’immeubles
présentent un véritable danger.
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