L’ambition de cette recherche est de contribuer aux réflexions sur l’amélioration des conditions de travail des enseignant-es du second degré, en éclairant les rapports de pouvoir et de genre au travail pour mieux comprendre un environnement professionnel souvent pensé égalitaire. Le genre demeure un impensé de l’analyse du travail enseignant ; peu de recherches sur les conditions de travail des enseignant-es adoptent cette perspective (Cacouault, 1998, 2007 ; Cau-Bareille, 2009 ; Jarty, 2009, 2010 ; Moreau, 2009). C’est en cela que le présent travail vise à combler un angle mort des travaux couramment menés sur la qualité de vie professionnelle des enseignant-es du second degré.
Les établissements scolaires bénéficient d’une image d’environnement professionnel où les rapports de genre sont peu marqués, et qui ne posent pas suffisamment problème pour que cela soit un point d’entrée pour réfléchir les questions de travail. En témoigne ce commentaire d’un enseignant que nous avons rencontré :
De manière générale, mon sentiment sur ces questions, c’est d’avoir été armé sur ces questions-là de rapports sociaux de sexe du fait de la thèse réalisée par ma femme sur le sujet (ma compagne a fait de la socio et elle a fait un rapport sur les rapports sociaux de sexe), mais ce sont des questions que je me suis rarement posé dans mon activité professionnelle. Est-ce que c’est parce qu’elles ne se posent pas ? Je n’y crois pas mais c’est parce que je n’ai pas voulu me les poser au lycée. Vous êtes la première personne à me poser cette question en fait. Mais sur les relations professionnelles au lycée, ce n’est pas une grille d’analyse que je mobilise
souvent. J’en fais le constat là, maintenant, mais je n’y ai jamais réfléchis avant. Et je m’interroge : comment ça se fait que je ne mobilise pas cette grille d’analyse au boulot plus souvent alors que c’est une grille d’analyse qui est a priori importante pour moi ? J’y suis attaché. Ce travail, je le perçois inconsciemment
comme asexué ! Dans ma tête, ces problèmes-là ne se posent pas au lycée ; c’est comme ça qu’inconsciemment je réagis. Je ne m’y penche pas dessus, je n’y réfléchis pas trop alors qu’il n’y a pas de raison pour que ça ne se pose pas au lycée. Je vois bien des situations de travail pour lesquelles ça ne le serait pas, je m’imagine très bien d’autres milieux professionnels où ce ne le serait pas du tout. Mais là …. ; peut être parce que ça me concerne directement et que peut-être qu’il y a des questions que j’évite de me poser !
Je n’en sais rien ! J’ai un sentiment de choses équilibrées parce qu’au final, ça ne saute pas aux yeux que les hommes occupent plus les lieux de pouvoir. En même temps, le lycée est suffisamment féminisé pour qu’on retrouve des femmes à des lieux de pouvoir partout. Mais en y réfléchissant, ce n’est pas équitable en tant que la place qu’elles ont n’est pas à la place du nombre numérique qu’elles représentent. C’est sûr qu’il y a une surreprésentation des hommes et une réappropriation des endroits de pouvoir par les hommes dans le lycée. Mais je ne l’ai jamais regardé avec un regard critique ce truc-là, c’est sûr !
(Homme, 40 ans, lycée, Physique-Chimie).
Un milieu asexué, où finalement hommes et femmes seraient traités à égalité…
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